Altercation entre Eto’o et le sélectionneur Brys, le foot camerounais tourne au mélodrame

Depuis plusieurs semaines, le foot camerounais vit une crise profonde. Elle oppose le ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, à Samuel Eto’o, le président de Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Mardi 28 mai, une réunion entre le nouveau sélectionneur Marc Brys et Samuel Eto’o s’est terminée par un coup de sang de l’ancien joueur du FC Barcelone. 

Retour en arrière pour comprendre la crise actuelle qui secoue le foot camerounais. À l’issue de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) organisée au Cameroun début 2022, Samuel Eto’o avait obtenu le renvoi du sélectionneur portugais Antonio Conceiçao, pour nommer Rigobert Song, son ancien coéquipier.

La nomination du Belge Marc Brys, source du conflit.

En avril dernier, après le parcours décevant des Lions indomptables lors de la CAN organisée en Côte d’Ivoire en janvier, Narcisse Mouelle Kombi a désigné le Belge Marc Brys au poste de sélectionneur, entouré d’un staff technique, médical et administratif validé par la présidence de la République. Et visiblement, la pilule ne passe pas pour Samuel Eto’o.

L’ancien attaquant du FC Barcelone avait, dans un premier temps, refusé de valider la désignation de Marc Brys et de l’encadrement choisi par le ministère. Samuel Eto’o a finalement reconnu l’entraîneur belge et deux de ses adjoints (Joachim Mununga et Giannis Xilouris), mais a nommé son propre staff technique, médical et administratif. Un geste qui n’a pas été apprécié par son ministère de tutelle. À quelques jours des prochaines journées des éliminatoires du Mondial 2026, la crise semble de plus en plus profonde.

Ce mardi 28 mai, Marc Brys a été convoqué au siège de la Fecafoot afin de participer à une séance de travail.   Le rendez-vous a tourné court très rapidement. Si Samuel Eto’o reçoit le Belge avec un « bienvenue chez vous », le reste de l’entretien est plus que tendu.

Samuel Eto’o s’en prend d’abord pris à Cyrille Tollo, conseiller technique auprès du ministre des Sports, qui lui a interdit d’échanger seul à seul avec Brys, ce qui a mis Eto’o hors de lui. « Ici, vous n’avez pas la parole. Quand je viens au ministère, je vous respecte. Ici, je suis le seul patron. C’est la dernière fois ! Appelez-moi la sécurité et vous le mettez dehors ! C’est la dernière fois, vous avez compris ! », lance Eto’o, en faisant mettre Tollo à la porte.

Dans un second temps, Eto’o demande à Marc Brys de rester, contre l’avis du ministère, et de choisir son camp. « Pourquoi vous me parlez comme ça ? » dit Brys. « Je suis le président. Si vous voulez travailler avec nous… Vous êtes entraîneur parce que je vous ai nommé. Vous n’êtes pas entraîneur, parce que quelqu’un d’autre vous a nommé. Vous avez fait beaucoup de manquements. Si vous ne restez pas, je suis obligé d’interroger mon comité exécutif comme la loi me le demande. Donc, je vous prie, une fois de plus, de rester ici s’il vous plaît », lâche Eto’o. Le ton monte et Marc Brys quitte la pièce. Eto’o demande alors à son directeur de convoquer le comité exécutif.

La Fédération camerounaise a annoncé un peu plus tard la mise à pied de Marc Brys après son échange houleux avec Samuel Eto’o. Martin Ndtoungou Mpile assurera l’intérim pour les deux matches qualificatifs pour la Coupe du monde 2026.

Les dessous politiques du bras de fer entre le gouvernement du Cameroun et la Fecafoot

Alors que le bras de fer entre le ministre Narcisse Mouelle Kombi et Samuel Eto’o atteint son paroxysme mardi 28 mai, les conflits laissent entrevoir une bataille qui se joue au-delà du football. Car les deux camps antagonistes ne se ménagent plus, y compris en public. Et certains soupçonnent Emuel Eto’o d’aspirer à plus grand que la Fecafoot.

Aux lendemains de la coupe d’Afrique en Côte d’Ivoire, ratée pour le Cameroun, le président de la République Paul Biya dans un discours à la jeunesse, avait déclaré avoir instruit le ministère des Sports de ramener l’ordre et la sérénité au sein des lions indomptables. Le ministre Narcisse Mouelle Kombi va dans la foulée annoncer la nomination de Marc Brys et de son équipe. Outre le choix de l’entraîneur, qui divise, la nomination Benjamin Banlog au poste de coordinateur des équipes nationales interroge. Car cet ancien collaborateur de Samuel Eto’o gère en théorie fonds débloqués par l’État au bénéfice des lions indomptables.

Samuel Eto’o, dont la gestion financière est critiquée, est ainsi plus ou moins mis à la touche. Il doit de plus composer avec son ancien secrétaire général, avec lequel il est désormais en froid. La pilule ne passe pas et Samuel Eto’o décide à son tour de nommer son propre staff. Marc Brys est confirmé mais les autres membres de l’équipe sont changés, dont Benjamin Banlog.

Autre point de tension, la très grande popularité dont jouit Samuel Eto’o. Aux lendemains de son élection à la tête de la fédération, il fait un déplacement dans la ville de Sangmelima, la capitale régionale du Sud et fief du président Paul Biya. Toute la ville est de sortie et acclame l’idole des stades devenu manager.

À Yaoundé le fait passe mal et est traduit comme la manifestation d’une ambition qui dépasse le simple cadre du football. Samuel Eto’o aspirerait-il à bien plus grand que la Fecafoot ? Beaucoup au sein du sérail le pensent et l’expriment avec une pointe d’inquiétude dans des débats à la radio comme à la télévision.

Une perspective qui, même si elle n’est confortée par aucun fait tangible, enchante ses admirateurs. Ceux-ci saluent sa bravoure et en font un symbole de l’anti système dans son bras de fer avec le gouvernement.

RFI.FR

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