Paris prévoit de réduire à quelques centaines d’hommes sa présence militaire en Afrique de l’Ouest et centrale, dans le cadre de partenariats « rénovés » et plus discrets annoncés par Emmanuel Macron après de cuisantes déconvenues au Sahel, a appris l’AFP de trois sources concordantes.
Selon le plan envisagé par l’exécutif, actuellement discuté avec les partenaires africains, la France prévoit d’abaisser drastiquement ses forces dites « prépositionnées » sur des emprises militaires. Elle ne gardera en principe qu’une centaine de militaires au Gabon (contre 350 aujourd’hui), une centaine au Sénégal (contre 350), une centaine en Côte d’Ivoire (600 aujourd’hui) et environ 300 au Tchad (1.000 actuellement), d’après deux sources proches de l’exécutif et une source militaire.
Sous réserve d’un changement de cap, alors que la France connaitra sous peu des élections législatives anticipées à l’issue incertaine pour le camp présidentiel, le dispositif devrait ainsi compter à l’avenir aux alentours de 600 militaires, mais sera appelé à croître ponctuellement au gré des besoins exprimés par les partenaires, expliquent ces trois sources proches du dossier. Contacté par l’AFP, l’état-major a décliné tout commentaire. Il s’agit d’une décrue historique.
Il y a encore deux ans, outre quelque 1.600 forces prépositionnées en Afrique de l’Ouest et au Gabon, l’ex-puissance coloniale comptait plus de 5.000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération antijihadiste Barkhane. Mais elle a été progressivement poussée dehors par les juntes arrivées au pouvoir à Bamako (2022), Ouagadougou et Niamey (2023), au profit notamment du nouveau partenaire russe.
Le Tchad est le dernier pays du Sahel à héberger des soldats français. Mais entre Centrafrique, Soudan, Libye et Niger, il est désormais encerclé par des pays accueillant, à divers titres, des forces paramilitaires russes issues de la réorganisation du groupe Wagner d’Evguéni Prigojine, mort dans un mystérieux accident d’avion en août dernier.
Commandement Afrique.
Emmanuel Macron a missionné en février l’ancien ministre Jean-Marie Bockel pour échanger avec les partenaires africains sur les nouvelles modalités de la présence militaire française sur leur sol. Ses conclusions sont attendues en juillet. Mais les grandes lignes du projet sont déjà prêtes.
La France souhaite aujourd’hui « une présence visible moindre, mais maintenir un accès logistique, humain, matériel à ces pays, tout en renforçant notre action qui réponde aux aspirations de ces pays », a fait valoir mi-mai au Sénat M. Bockel. L’armée prévoit de se doter cet été à Paris d’un commandement dédié à l’Afrique, a appris l’AFP de deux sources proches du dossier. Le général censé prendre sa tête a déjà été désigné.
En Côte d’Ivoire, l’un des plus solides alliés de la France en Afrique l’Ouest, la baisse des effectifs militaires a déjà commencé, passant de 900 à 600 ces derniers mois. Au Sénégal, la décrue a également débuté, tandis que le nouveau président Bassirou Diomaye Faye, élu fin mars, insiste sur la souveraineté du pays.
Son Premier ministre Ousmane Sonko a réaffirmé mi-mai « la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, laquelle volonté est incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères au Sénégal ». Très critique envers Paris, qu’il accuse d’avoir soutenu la répression contre son camp sous l’ancien président Macky Sall, il a toutefois précisé ne pas remettre « en question les accords de défense » bilatéraux.
Avenir des bases
Les emprises françaises en Afrique « et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer » alors que la France cristallise aisément les critiques des opinions locales, relevait fin janvier en audition parlementaire le chef d’état-major français, le général Thierry Burkhard, estimant qu’il faudrait « sans doute modifier notre schéma d’implantation ». Ainsi, l’armée française n’exclut pas de « mutualiser » ses bases « avec les Américains ou d’autres » partenaires européens, a-t-il précisé. Mais l’état-major pourrait aussi finir par les rétrocéder.
Ce futur dispositif resserré devra permettre d’ »entretenir des relations avec les autorités militaires locales », « garantir des accès stratégiques par voie maritime et aérienne » mais aussi « recueillir du renseignement » et « poursuivre les actions de partenariats opérationnels », selon le général Burkhard.
Finies les missions de combat: les soldats français apporteront essentiellement de la formation et des capacités aux pays partenaires, à leur demande. Paris compte par ailleurs adopter une posture plus désinhibée en matière de ventes d’armes, après avoir longtemps rechigné leur à livrer du matériel offensif. La base française de Djibouti, qui accueille 1.500 militaires français, n’est pour sa part pas concernée par cette réduction de voilure.
La France veut conserver un point d’appui stratégique dans ce petit pays situé face au Yémen, à la sortie de la mer Rouge, dans le détroit de Bab-el-Mandeb où transite une grande part du commerce mondial entre Asie et Occident.
AFP
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