L’année 2021-2022 est marquée par différents conflits mondiaux qui contraignent des populations à devoir quitter leurs pays et à se réfugier ailleurs. On y trouve des raisons économiques, comme politiques. Les deux sont-elles dissociables ? Bien sûr que non ! Il faut rappeler que les 17 et 18 février 2022, s’est tenu à Bruxelles le sixième sommet entre les dirigeants des 27 Etats membres de l’Union européenne et des 55 pays de l’Union africaine en vue de renforcer la coopération dans le cadre de la stratégie commune Afrique-UE, notamment sur les questions migratoires.
Cette question fait en effet partie des cinq domaines prioritaires de coopération entre les deux continents pour les années à venir. La migration des populations est et sera toujours un paradoxe humain : à la fois un appauvrissement (pour le pays d’origine) et un enrichissement (pour le pays de destination), mais toujours au prix fort pour l’individu et sa famille avec sa cohorte d’arrachement et de souffrance. Le devoir des institutions publiques c’est d’être à la hauteur de ces mouvements, de savoir accompagner la personne dans ce qu’elle donne de meilleur, de savoir la protéger de ce qu’elle subit de pire. Force est de constater que nous n’y sommes pas !
A l’issue du sommet, les deux partenaires ont adopté une vision commune pour 2030 dans laquelle ils se sont engagés : à prévenir la migration irrégulière, à renforcer la coopération entre le trafic de migrants et la traite des êtres humains et à renforcer les mécanismes de retours et de réadmissions, tout en développant des voies légales et des solutions durables pour les réfugiés et demandeurs d’asile. La commission européenne propose d’aider les pays africains à surveiller leurs frontières. En visite à Dakar le 11 février dernier, la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Jhanson, a ainsi proposé au pays d’envoyer des équipements de surveillance tout le long des frontières.
Est-ce la solution ? Sachant qu’aujourd’hui les migrations sont une composante de la mondialisation.
Alors que l’Europe a voulu instaurer en 2000 une politique dite « de voisinage » (voir l’article 8 du traité de l’UE). Peut-on être des voisins bienveillants, si on se surveille ? Le phénomène migratoire est vieux comme le monde autour de la Méditerranée. Il est continu et inéluctable, seul varie son intensité et sa soudaineté. Quel mur peut arrêter l’humanité qui ne veut plus vivre dans des États nations stato-centrés, non respectueux de l’expression de leur population, à l’heure numérique ou tout se partage ? Du point de vue économique, la migration est un flux qui participe à l’internationalisation des économies nationales, l’impact de cette internationalisation est fort, certains pays visent une économie du retour dans le pays d’origine « économie de renaissance ». Cet enrichissement « en retour », il faut savoir l’organiser !
« Un pays n’est jamais une seule chose à la fois. Il est souvenirs tendres de l’enfance tout autant que guerre civile, il est peuple, comme il est tribus, campagne et villes, vagues d’immigration, comme d’émigration. Il est son passé, son présent et son futur. Il est ce qui est advenu et la somme de ses possibilités. » Alice ZENITER (in « l’art de perdre – 2017).
Comment comprendre cette distinction, cette discrimination, qui va placer des milliers de personnes, fuyant la guerre au même titre que les autres, dans une situation d’immense perplexité et d’angoisse ? Comment accepter qu’on n’accorde pas la même protection à toutes les victimes des guerres quelles que soient leurs origines ?
Comment réguler les migrations internationales ?
Accueil des réfugiés en France humanisme ou hypocrisie ? L’union européenne joue sur deux tableaux en matière d’accueil des demandeurs d’asiles. Elle procède par un tri systématique des migrants. Ce qui laisse entrevoir une discrimination institutionnelle. En effets, le dispositif « Dublin » instituant ce tri des migrants constitue aujourd’hui un exemple flagrant qui frise le racisme d’État. Il est d’ailleurs contesté par les membres de l’UE eux même à commencer par les pays de la frontière externe. La guerre entre la Russie et l’Ukraine en cours nous a permis de comprendre cette discrimination. La guerre ukrainienne à générer des millions de réfugiés accueillis au sein de l’union européenne notamment : en Pologne, en Allemagne, en Italie, en France etc… Toutes les associations humanitaires, les hommes politiques se sont mobilisés pour les accueillir. Les hôtels, les logements sociaux et les gymnases réquisitionnés pour les loger. Par ce que tout simplement ce sont des réfugiés européens blancs : des frères en civilisation ; dans le même temps les afghans, les africains et les pakistanais dorment dans les taudis et sous les ponts, ce sont pourtant : « des frères en humanité ». Cette mesure de deux poids – deux mesures doit indigner tout citoyen du monde ayant ce sens de l’humanité.
Ainsi la France est connue comme un pays exigeant en matière de respect de la loi. C’est pourquoi, malgré la résistance des associations d’aide aux migrants contre la réforme du règlement « Dublin », la France n’a jamais céder car pour elle la loi doit être respectée. Un réfugié qui entre en Europe doit forcément déposer sa demande d’asile dans le premier pays qui l’accueille ; sinon il sera expulsé au nom dudit règlement. Paradoxalement cette loi est balayée pour l’accueil des ukrainiens : ils traversent la Pologne, l’Allemagne avant d’arriver en France. Pourquoi ne sont-ils pas considérés comme « Dublinés » ? Pourquoi ne sont-ils pas reconduits aux frontières comme sont reconduits les demandeurs d’asile africains aux frontières espagnoles et italiennes ? Il faut y voir un effet de sidération de la part des dirigeants européens. Ils n’imaginaient pas que la lointaine Syrie, l’Orient compliqué, l’Afrique exploitée puissent être rejointes dans l’horreur par la si voisine et si fraternelle Ukraine. Nous sommes tous consternés par des situations de guerres, mais nous devons plaider pour une humanité universelle sans distinction de race, de religion et d’origine. Et c’est le Président de la Russie qui massacre « sans distinction de religion ou d’origine » qui semble nous réveiller…
Les questions liées à la migration, à l’immigration sont et resteront toujours d’actualité surtout quand elles sont irrégulières ou subies. C’est le résultat de plusieurs faits de société et de diverses sources (naturelle, politique, économique, conflictuelle…) Il n’est de secret pour personne que la migration irrégulière contribue fortement à bouleverser l’équilibre mondial institué par de tous les acteurs (pays de provenance, pays d’accueil). Pour le cas spécifique de l’Afrique, il n’est point possible d’occulter les milliers de morts ( des jeunes hommes et femmes, des enfants, des nouveaux nés, des femmes enceintes…) que la mer Méditerranée engloutit chaque année et cela depuis plus d’une décennie. Comme le dit Guillaume NERY, champion du monde d’apnée dans son livre : « nature aquatique » à propos de la Méditerranée « j’ai tellement honte de ce que tu acceptes de nous les humains. Alors que nous te devons tout, nous te vidons de tes poissons, tu ingurgites nos plastiques et tu t’offres en linceul pour ceux qui n’ont rien ». Le continent africain est celui qui perd, à cause de son incapacité à trouver le minimum de cadres, d’équipements pouvant inciter sa population la plus active à rester sur place. Le continent soumis à la convoitise des autres puissances : coloniale, puis « non alignée » avec la Chine et aujourd’hui objet de conquête avec la Russie et son bras armé la milice Wagner.
Dans le déficit lié aux infrastructures et à l’accompagnement Étatique, la migration irrégulière devient une alternative plausible pour la population. Faute de statistiques fiables, nous ne savons dire avec exactitude l’énorme perte en vies humaines et tous ces milliards de francs CFA mobilisés pour les passeurs. Les familles endeuillées par le Sahara et la Méditerranée pullulent de façon exponentielle, même la pandémie de la Covid 19 n’a pas pu refroidir les candidats à l’immigration irrégulière. L’Afrique se vide, et cela est fort déplorable, il est vraiment inadmissible de voir des jeunes, des tout petits fuir leur pays, pour une destination incertaine, qui leur réserve plein de déconvenues : traite de l’être humain au Maghreb, statut de sans domicile fixe à travers les villes européennes. L’impact sur les pays européens est puissant : ils connaissent un dérèglement total de leur équilibre interne. On ne saurait lutter contre la migration qu’elle soit régulière ou pas, mais on peut néanmoins limiter l’impact de la migration irrégulière sur les pays, en Afrique comme en Europe.
Pour le contexte africain, que les partenaires de l’Afrique incluent ou exigent davantage de la part de leurs partenaires africains assez de réformes et une attention particulière envers les couches défavorisées et les structures juvéniles. Renforcer les capacités et assister les structures juvéniles et les couches sociales défavorisées. Faciliter l’obtention des documents (visas, titre de séjour…) légaux par le canal des ambassades. Pour les pays africains, renforcer et redynamiser les organisations de jeunesses, accorder plus de subvention, assister et encadrer les personnes défavorisées, faire la promotion de l’entrepreneuriat, créer de l’emploi.
Co-auteurs :
Mr Amadou BAH, diplômé en Sciences politiques Grenoble et Intervenant Social à France Terre d’Asile.
Mr OUSMANE KOUYATE, Doctorant à l’Université Grenoble Alpes
Mr SEKOU KAMANO, Sociologue, acteur de la société civile et professeur de littérature au Lycée 2 Lambandji
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